Le sport – images à travers l’Histoire – 1/2

Les injonctions à aller faire du sport sont nombreuses dans notre société occidentale. Que ce soit pour créer du lien social ou pour entretenir notre condition physique et vivre en bonne santé, il est difficile de ne pas se sentir pousser à en faire (que l’on aime ça ou pas). D’ailleurs, quand nous ne sommes pas nous-mêmes en train de transpirer, ce sont d’autres humains que nous pouvons regarder et encourager lors de compétitions. Le sport est partout, il a donc dû être représenté au cours des âges…

 

Le sport n’a pas toujours existé comme tel

Le terme « sport » désigne généralement une activité physique ludique qui nécessite un entraînement et des règles. Les joueurs professionnels d’échecs ou de jeux vidéos me diront sûrement qu’ils remplissent également tous les critères et ils auront raison, seulement, nous sommes bien loin ici de la notion de sport telle qu’elle pouvait être à ses débuts alors si vous le voulez bien, nous parlerons surtout de tout ce qui nécessite de courir, bouger et suer un bon coup.

 

Pour un animal (y compris nous les humains), l’activité physique, le fait de se mouvoir, est avant tout un effort pour survivre. Aller cueillir des fruits en haut d’un arbre. Fuir ou attaquer un autre être vivant pour s’en repaître. Ces besoins primaires nécessitent de pouvoir utiliser son corps au mieux.

N’oublions pas qu’avant que l’Homme soit suffisamment « civilisé » pour se taper dessus avec des armes sophistiquées (oui, je sais c’est étrange dit comme cela), son principal avantage en combat reposait sur sa condition physique. Il avait grand intérêt à l’entretenir. Bien sûr on peut également supposer que la difficulté à subvenir à ses besoins quand on est chasseur-cueilleur ou apprenti agriculteur pouvait suffir à se forger un physique robuste à travers l’effort.

L’activité physique dans un but d’amélioration ou d’entretien corporel ne devait donc pas avoir la même réalité qu’aujourd’hui à l’aube de l’humanité. Si la notion de sport à part entière est peut-être anachronique, la facette ludique est-elle si inenvisageable ? Certains pouvaient apprécier s’entraîner et probablement se comparer aux autres. Dur de faire la part des choses des milliers d’années plus tard, surtout quand nous n’avons pas de sources écrites et que les figures humaines reconnaissables ne sont pas légion.

Nageurs représentés dans la grotte éponyme, Wadi Sura, Égypte - photo de Roland Unger - Wikimedia
Nageurs ayant plus de 10 000 ans représentés dans la grotte éponyme, Wadi Sura, Égypte – photo de Roland Unger – Wikimedia

Peut-on s’aider de l’équipement ou des postures ? Avec une lance dans la main, il est possible d’envisager une visée utilitaire comme la chasse, mais peut-être aussi des compétitions ? Avec des nageurs, comme c’est le cas sur les peintures ci-dessus, le choix se fait moins évident, je pense que vous en conviendrez. Réussir à trouver de quoi se nourrir en nageant n’est pas la chose la plus aisée qui soit, on serait tenté d’y voir un loisir ou une évocation symbolique.

Pour ceux qui seraient restés bloqués à l’idée de nageurs dans le désert égyptien, n’oubliez pas que si on trouve du pétrole dans le désert, celui-ci est le résultat de la lente transformation de matières organiques marines… Le Sahara a été recouvert d’eau et de végétation ! Tout cela bien bien avant nos nageurs pour le pétrole, mais il est resté suffisamment de lacs à leur époque pour que si vous vous y promeniez avec une photo actuelle vous ayez bien du mal à vous y retrouver.

Les cinéphiles ou lecteurs compulsifs savent peut-être d’ailleurs que cette grotte dite « des nageurs » fut (re)découverte à l’aube de la Seconde Guerre mondiale par László Almásy, dont l’histoire fut mise en roman puis portée au cinéma dans le film aux 9 Oscars tireur de larmes : Le patient anglais.

Comme cela n’est jamais trop répété, j’en remets une couche avant de continuer notre voyage à travers le temps. Pour ce qui concerne la Préhistoire, nous ne pouvons avancer que des interprétations et il est quasi impossible d’être certain du sens que recelaient pour leurs auteurs les scènes parfois barbouillées maladroitement, d’autres fois peintes avec minutie. Le fait qu’elles soient majoritairement au fond de grottes nous poussent à penser que c’était toujours quelque chose de profond et important, cependant il peut y avoir là une sorte de biais du survivant. Je m’explique. Plus c’est profond dans une grotte, moins c’est facilement dégradé. Il existe en plus de multiples traces de peintures et gravures en extérieur, de là à imaginer qu’une grande partie de ce qui était facilement visible et peut-être moins chargé de sens a disparu (du genre graffiti d’écolier sur son cahier versus toile de maître pour une cathédrale) il n’y a qu’un pas, mais sans être certain non plus que ce soit dans la bonne direction.

En tout cas, ces petites figures humaniformes étaient peut-être, selon les cas, tour à tour représentation d’amusement, de plaisir, d’une quête pour la survie, d’un rituel pour éloigner les dangers ou pour évoquer une vie après la mort…

Le sport et la préhistoire : ça fouille encore !

 

L’Antiquité alors ?

La ville que tout le monde pourrait citer comme étant lieu de rencontres sportives sans avoir peur de se tromper : Olympie !

Exercices cavaleresques olimpiques ou les jeux Olympiques antiques tels qu'imaginés en 1770 - vue d'optique - Georg Balthasar - Gallica BNF
Exercices cavaleresques olimpiques ou les Jeux olympiques antiques tels qu’imaginés en 1770 – vue d’optique – Georg Balthasar – Gallica BNF

Ces fameux Jeux olympiques remis définitivement au goût du jour au début des années 1900, étaient une série de concours sportifs entres cités grecques se tenant tous les quatre ans. Cela dura quand même du VIIIème siècle avant à la fin du IVème après notre ère ! De quoi couronner nombre d’athlètes…

Je ne m’étendrai pas dessus parce que je n’ai pas vraiment d’illustration en stock et que les vases grecs sont plutôt connus, mais si vous en souhaitez n’hésitez pas à consulter l’article wiki sur les Jeux olympiques antiques, très riche.


à voir aussiPour l’anecdote, à ma grande surprise en préparant ce billet, j’ai appris que durant la Révolution française, Paris a vu ses premiers Jeux olympiques (ou presque) : l‘Olympiade de la République !


 

Il ne faut pas réduire le sport antique à la seule péninsule grecque, plus au sud par exemple et d’ailleurs près de 1300 ans plus tôt, nous trouvons en Égypte des représentations de lutteurs :

Lutteurs - tombe 15 - Baket III - Beni Hassan
Lutteurs – tombe 15 – Baket III – Beni Hassan – Wikimedia

La tombe de Baket III, nomarque (fonctionnaire en charge d’une province aussi appelée « nome ») au XXIème siècle avant J.C. n’est pas l’unique exemple mais peut-être le plus connu à ce sujet.

 


à voir aussi

Si le sujet vous intéresse, une publication en libre accès en cause bien plus en profondeur : Le sport dans la décoration murale des tombes privées de l’Égypte pharaonique
Actes de la table ronde de Rome (3-4 mai 1991), Wolfgang Decker, 1993


 

Plus d’un millénaire après ces lutteurs égyptiens, nous savons que les Étrusques, influencés notamment par les Grecs sont devenus de grands consommateurs de sports.

On en voit d’ailleurs des évocations dans plusieurs tombes (et oui, c’est ça qui subsiste le mieux, que l’on soit en Afrique ou en Europe).

Tombe des Olympiades - décors conservés au musée archéologique national de Tarquinia - photo de Sailko - Wikimedia commons
Tombe des Olympiades – décors conservés au Musée archéologique national de Tarquinia – photo de Sailko – Wikimédia commons

Figurez-vous que des rencontres sportives, façon concours Olympiques, se tenaient même en plein cœur de l’actuelle Italie. Le lieu, centre religieux du monde étrusque, est désigné sous le nom de Fanum Voltumnae par Tite-Live (l’historien romain le plus célèbre comme Hérode fut celui des Grecs) qui vécut quelques siècles après la chute/assimilation des Étrusques, peuple dont on a très peu d’écrits directs et dont la langue n’est pas totalement comprise. Autant vous dire que ça n’aide pas à identifier le lieu en question, ce qui n’empêche pas d’avoir des hypothèses dont une s’appuie notamment sur la découverte d’un grand sanctuaire au pied de l’emplacement de la ville actuelle Orvieto.

Ces Tusci comme les désignaient les latins ont d’ailleurs peu à peu pris l’habitude de mettre en place des jeux ritualisés avec notamment de la lutte lors des funérailles de personnages importants. Ces compétitions sont souvent évoquées comme une des origines des spectacles de gladiateurs et de courses de chars qui se tinrent dans le monde romain par la suite…

En parlant de courses de chars, vous connaissez peut-être le Circus Maximus de Rome. Peut-être même savez-vous que c’est sur l’impulsion de Tarquin l’Ancien, un des rois de Rome, qu’il fut créé ? Ce monarque romain étiqueté étrusque comme en témoigne son nom (Tarquin n’étant qu’un surnom lié à son passage par la ville étrusque de Tarquinia où il épousa d’ailleurs la fille d’une grande famille) a probablement lancé ce chantier (vaste espace libre plus que construction en dur à l’époque) par goût et transmission de pratiques de nos compères toscans ! Ce fut d’ailleurs les débuts du sport-spectacle auquel on vient assister, différencié du sport-exercice pour sa propre personne.

Il y a des pratiques antiques que l’on pense connaître sur le bout des doigts à force de les croiser dans des films, séries ou livres. Les combats de gladiateurs notamment. En vrac : lever ou baisser le pouce pour la mort, la petite phrase de ceux qui vont mourir qui saluent le dirigeant qui préside ou même le côté extrêmement sanglant… tout ou presque est à reconsidérer ! Pour ceux qui sont dubitatifs ou voudraient revérifier s’ils sont bien à jour niveau connaissances (je ne parle pas d’avoir relu les aventures d’Astérix et Obélix récemment 😉 ), je ne peux que vous conseiller d’ouvrir dans un nouvel onglet cette vidéo de la chaîne l’Histoire nous le dira afin de la regarder plus tard !

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Si ce sont plutôt les sports étrusques qui vous intriguent, vous pouvez parcourir ce pavé passionnant en libre accès : Les jeux athlétiques dans la civilisation étrusque, Jean-Paul Thuillier, 1985, 755p ou le plus récent mais très bref : Le sport dans la civilisation étrusque : entre Grèce et Rome, Jean-Paul Thuillier, Études balkaniques 11, 2004, 10p.


 

Vous l’aurez compris, la notion de sport est rarement éloignée de la religion durant l’Antiquité pour la simple et bonne raison que la vision du monde est constamment reliée au sacré. Chaque acte est considéré dans un schéma global mystique et non pas seulement en rapport avec l’individu et ses désirs.

Un autre exemple à ce sujet serait celui du jeu de balle que l’on retrouve durant une très longue période dans de multiples cultures de Mésoamérique.

Entre 300 et 600 - scène de jeu de balle - Mexique - Musée d'ethnologie de Leyde
Entre 300 et 600 – scène de jeu de balle – Mexique – Musée d’ethnologie de Leyde

Le principe général consistait à faire rebondir une balle en caoutchouc sans utiliser les mains ou les pieds. Là où cela devient moins anodin, c’est que certaines parties étaient liées à la politique et jouées par des souverains ou reliées aux cultes et notamment aux sacrifices humains. Un enjeu tout autre que le simple ego du joueur.

La question des sacrifices humains est toujours un sujet vecteur de fantasmes. Si certaines civilisations les ont davantage pratiqués, les témoignages archéologiques sont suffisamment nombreux pour ne pas pouvoir nier leur existence (à titre personnel, les enfants du Llullaillaco me filent la frousse à chaque fois que j’en revois une photo).

 

Petit rappel pour replacer les choses dans leur contexte historique :

  • La civilisation Maya connut son apogée entre le IIIème et le IXème siècle de notre ère mais ses jalons chronologiques sont bien plus larges que cela puisque les premières traces remontent à -2600 et si on parle d’une fin de la civilisation Maya dans les années 1520-1540 (invasion espagnole), la population n’est pas totalement annihilée d’où l’existences de « Mayas » à l’heure actuelle avec encore une partie de leur culture originelle mêlée dans les traditions européennes (notamment religieuses) importées et imposées par les conquérants ;
  • Les Aztèques sont des étoiles filantes comparés aux Mayas puisqu’on peut les situer grossièrement entre 1200 et 1521. Trois siècles qui en font donc plutôt des contemporains de la fin de notre période médiévale que de la série des Ramsès ou de Jules César ;
  • Les civilisations et populations furent nombreuses dans cette région du monde et si elles partagent de nombreux points communs, gardons dans un coin de notre tête au moins qu’il ne s’agit que d’un seul grand et même peuple 😉

 

Maintenant que tout ça est dit, imaginez un peu le tableau suivant :

Portrait de Charles Quint en 1532 par Christophe Amberger - Gemäldegalerie, Berlin (Wikimedia)
Portrait de Charles Quint en 1532 par Christophe Amberger – Gemäldegalerie, Berlin (Wikimédia)

Charles Quint (1500-1558), roi d’Espagne, Empereur du Saint-Empire, souverain le plus puissant d’Europe et dont le royaume s’étend jusqu’en Amérique depuis qu’il y a envoyé Cortès, est tranquille dans son palais. Touin touin dans l’entrée, roulement de tambours et acclamations (en vrai j’invente les détails hein) et voilà deux hommes étranges qui entrent avec une balle de caoutchouc. Après les blablas d’usage, on leur intime l’ordre de montrer ce qu’ils savent faire… et voilà deux pratiquants amérindiens du jeu de balle qui s’exécutent à des milliers de kilomètres de leur terre natale devant un souverain qui ne ressemble en rien au leur.

Cette scène bien que très romancée ici est historique sur le fond. Des « échantillons » d’indigènes ont été ramenés par l’océan.

 

Un livre de costume de Christoph Weiditz, nous montre d’ailleurs à la même époque des joueurs, probablement les deux individus cités plus haut puisqu’il les a accompagnés avec Cortès à la cour de Charles Quint en 1529. Nous ne sommes pas loin de la source de première main !

Joueurs de balle - dessins de Christoph Weiditz extraits du <a href="http://dlib.gnm.de/item/Hs22474/html">Recueil de costumes</a>, Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum
Joueurs de balle – dessins de Christoph Weiditz extraits du Recueil de costumes, Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum

 

Cortès et Wieditz - Dessins de Christoph Weiditz extraits du Recueil de costumes, Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum
Cortès et le dessinateur Wieditz (vêtu de ses vêtements de bâteau d’après ce qu’il est écrit !) – dessins de Christoph Weiditz extraits du Recueil de costumes, Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum

Les autres pages méritent vraiment aussi le détour, donc n’hésitez pas à cliquer sur les image si vous en aimez le style, vous y trouverez notamment de sacrés couvre-chefs qui me donneraient presque envie de compléter mon article sur le sujet !

 

Chronologie difficile, passons de thèmes en thèmes

Comme vous l’avez vu, je viens de faire le grand écart entre Antiquité et Renaissance en deux temps trois mouvements… alors plutôt que de tenter de reprendre chronologiquement, je vais plutôt suivre encore un peu le fil rouge de la balle.

Inutile de vous faire un dessin, le sport et les balles de toutes les tailles sont une association plutôt évidente.

D’ailleurs si l’on est un peu observateur, on en voit de temps en temps sur les peintures de genre.

Louis de Caullery- Le plaisir de la glace sur l'Escaut près d'Anvers - début 17ème siècle - Landesmuseum Mainz
Louis de Caullery- Le plaisir de la glace sur l’Escaut près d’Anvers – début XVIIème siècle – Landesmuseum Mainz

Ce tableau d’hiver flamand m’a tapé dans l’œil pour ce détail, mais comme toujours pour ces thématiques il y a tant d’autres détails amusants à y remarquer…

détail - Louis de Caullery- Le plaisir de la glace sur l'Escaut près d'Anvers - début 17ème siècle - Landesmuseum Mainz
Il fallait bien un zoom pour repérer ces petits personnages, non ?

Dans un autre, qui sert d’image à la une pour cet article, on remarque des joueurs équipés de crosses, faisant d’eux les ancêtres des hockeyeurs ou golfeurs actuels.

Lucas van Valckenborch - Paysage d'hiver avec chute de neige près d'Anvers - 1575 - Städel Museum Frankfurt
Lucas van Valckenborch – Paysage d’hiver avec chute de neige près d’Anvers – 1575 – Städel Museum Frankfurt

Ce sport s’appelait le Kolf et j’en profite pour vous montrer cette estampe de Rembrandt :

Joeur de Kolf - Rembrandt - Gallica BNF
Joeur de Kolf – Rembrandt – Gallica BNF

Et puis quitte à refaire une liste de sports qui glissent, l’ancêtre du curling pourrait s’avérer être peint sur des toiles de Pieter Brueghel l’Ancien, notamment une reprise par son fils qui m’avait fait tiquer sur le coup et que je n’avais pas réexaminée en détail avant la rédaction de cet article (je vous ai déjà dit que j’adore cette phase où les connexions se font 🙂 ?) :

Paysage d'hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux - Peter Brueghel le Jeune d'après Peter Brueghel l'Ancien - 1622 - Mayer van den Bergh
Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux – Peter Brueghel le Jeune d’après Peter Brueghel l’Ancien – 1622 – Mayer van den Bergh

détail - Paysage d'hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux - Peter Brueghel le Jeune d'après Peter Brueghel l'Ancien - 1622 - Mayer van den Bergh


à voir aussiSi vous vous étiez déjà fait la remarque que l’on représente quand même beaucoup de patinage et luges fin XVIème et début XVIIème siècle dans la peinture des Pays-Bas, vous aviez bien mis le doigt sur quelque chose ! Une raison principale à cela : la température chute et l’Europe entre dans un petit âge glaciaire. Une raison secondaire à cela : l’effet de mode… ce qui expliquerait entre autres pourquoi ce type de représentation souvent festive n’a pas duré aussi longtemps que les hivers dont la rudesse n’était pas finalement systématiquement le sujet principal.

Pour plus d’informations : la page Wikipedia sur le petit Âge glaciaire est déjà un bon portail ou sinon l’article passionnant de Alexis Metzger et Martine Tabeaud : Les scènes hivernales dans la peinture du Siècle d’or hollandais.


 

Petit topo sur les jeux de balles les plus célèbres de nos jours

Les jeux de balles sont nombreux et anciens donc, mais les plus connus dans nos contrés actuellement sont, selon mon ressenti, le tennis, le rugby et surtout le football.
Chacun d’eux est un dérivé de sports dont l’origine est bien plutôt identifiée.

Le tennis

Il vient du jeu de paume, dont tous les Français ont déjà entendu au moins une fois le nom puisqu’un serment clef de la Révolution française tire son nom de l’usage de la salle dans laquelle il fut prêté.

Le Serment du Jeu de Paume - Dominique-Vivant Denon d'après Jacques-Louis David - 1794 - Gallica BNF
Le Serment du Jeu de Paume – Dominique-Vivant Denon d’après Jacques-Louis David – 1794 – Gallica BNF

Un nombre conséquent d’expressions courantes nous viennent de là et pour ne vous en citer que deux tout bêtement listées sur la page wikipedia : « épater la galerie » revient à réussir un beau coup qu’admirent les spectateurs depuis la galerie qui surplombe le terrain et « chassé-croisé » qui correspond à un échange de position entre les joueurs après une action que l’on appelle la chasse.

détail - scène de jeu paume - 1523 - BIU Santé (Paris)
Détail – Scène de jeu de paume – 1523 – BIU Santé Paris

Cela pouvait se jouer à la main, d’où « paume », ou avec des raquettes. On distingue généralement « courte paume » et « longue paume » par la pratique en extérieur et sans filet du second.

peintre flamand vers 1600 - Landesmuseum Mainz
Scène de longue paume (?) – Peintre flamand vers 1600 – Landesmuseum Mainz

 

Le rugby et le football

Ce seraient deux cousins à la même origine. L’origine commune la plus vraisemblable est l’harpastum, jeu aux contours flous déjà pratiqué par les Étrusques (on y revient toujours) puis, passé aux Romains, qui se serait scindé en de multiples variantes (droit de prendre la balle à la main ou pas etc.) dont la soule ou choule. Cette soule va elle-même se développer de manière différente, notamment entre la France et l’Angleterre. C’est en Albion que la scission entre le football et le rugby va avoir lieu au XIXème siècle et atteindra progressivement le reste du monde en créant deux disciplines distinctes.

Les Français vont mettre d’ailleurs jusqu’au début du XXème siècle avant de vraiment nommer différemment ces pratiques. D’ailleurs s’il est amusant d’essayer de retrouver les premières apparitions des mots (1409 si j’en crois l’article Wikipédia en ce qui concerne « foteball »), il me paraît plus intéressant d’essayer de retrouver à partir de quel moment le sens actuel y est associé officiellement en français.

On peut déjà trouver dans l’édition de 1785 du Nouveau dictionnaire françois-anglois et anglois-françois de M. A. Boyer une traduction très générale de « to play at fooball » comme « jouer au ballon ». Peut-être pas encore suffisamment précis.

En 1867, dans Le monde illustré, le football est décrit comme un véritable sport de combat qui dure 4 à 5h (oui oui) .

Après la bataille, on ramasse les blessés, il y a souvent des entorses, des poignets démis et même des jambes cassées. Les uns se retirent clopin-clopant les autres s’en vont appuyés sur le bras de leurs camarades, mais tous contents de leur « sport » et se promettant de recommencer un autre jour.

Une partie de football - Le monde illustré - 1867 - Gallica BNF
Une partie de football – Le monde illustré – 1867 – Gallica BNF

Et oui, même si cela peut être difficile à imaginer dans le pays qui a fêté avec tant d’enthousiasme sa deuxième victoire en coupe du monde récemment, le football fut ressenti comme quelque chose d’exotique avant de s’y établir et pas nécessairement avec facilité.

 

Loisirs, mais aussi utile pour former les hommes

Malheureusement, ce sont bien de la gent masculine que je vous parle puisque le sport au féminin est plutôt l’exception que la règle jusqu’au milieu du XXème siècle (cela continue de changer heureusement doucement de nos jours).

Pour une piqure de rappel voilà ce qui faisait rire jusqu’au XXème siècle tellement l’idée semblait grotesque :

Le monde renversé - Musée des Emaux et Faïences de Longwy
Le monde renversé « Croiriez-vous ma chère que mon mari s’est permis de fumer ! ah ! je l’ai arrangé, il n’y recommencera plus. » – Musée des Emaux et Faïences de Longwy

Cette assiette parlante, comme on désigne la vaisselle présentant un message ou une histoire (commémoratif, publicitaire, humoristique…), est une production des ateliers de Longwy dans un style que l’on pouvait trouver tout au long du XIXème et même au début XXème siècle. Sur cet exemplaire, deux femmes jouent au billard tout en fumant (le fumoir est souvent la pièce du billard). Elles sont à la fois en train de faire deux activités alors traditionnellement réservées aux hommes, dans un lieu qui leur est dévolu, mais parlent également comme les hommes de leurs conjointes. Le monde « normal » est inversé, d’où le titre de la série « le monde renversé » que l’on observe au-dessus de la scène.

Ce genre de vaisselle faite pour être montrée et non pas cachée comme une blague honteuse est une révélatrice des murs souvent invisibles, mais bien tangibles, qui séparaient le monde dit « féminin » du « masculin » et aussi de la banalisation des violences domestiques d’ailleurs. 🙁

J’ai été heureusement surpris cependant de découvrir que l’on avait trace d’une championne de jeu de paume en 1427 à Paris : Margot la Hennuyère.

Les activités sportives, jusqu’à la chute du système féodal, sont autant d’occasion d’entraîner les hommes à être capables de se défendre et de survivre ou au moins d’en donner l’apparence.

La chasse notamment est un sport avec ses règles et ses compétitions.

St Hubert, patron des chasseurs - vers 1500 - Musée de la chasse et de la Nature - Inv 005 88
St Hubert, patron des chasseurs – vers 1500 – Musée de la chasse et de la Nature – Inv 005 88

 

Nous avons déjà évoqué la lutte, mais si l’on voit un peu plus grand et festif dans notre fond commun d’imaginaire médiéval, on finit vite par tomber sur une chose : les tournois !

Quels spectacles ! Que d’enjeux ! La vie de chaque chevalier se jouant pour la beauté du sport… ou pas !

En fait, comme l’explique bien Guillaume Bureaux dans son interview pour le chouette podcast Passion médiévistes, il n’y a pas qu’une sorte de tournoi et tout comme les combats de gladiateurs, ils sont entourés de mythes. La mort n’est pas si fréquente et d’ailleurs le peu d’appétence pour les risques inutiles va progressivement renforcer la part théâtrale des rencontres à partir de la Renaissance. Il faut dire qu’un décès royal a cassé l’ambiance !

Le Tournoy où le Roy Henri II fust blessé à mort, le dernier de Iuin 1559 - Perrissim - 1570 - Gallica BNF
Le Tournoy où le Roy Henri II fust blessé à mort, le dernier de Iuin 1559 – Perrissim – 1570 – Gallica BNF

De beaux recueil de chevaliers sont disponible à la consultation en ligne, dont celui de 1539 d’où je vous livre les illustrations ci-dessous :

 

Après ces nobles guerriers, je vous propose de soulever une pratique beaaaaaaaucoup mais alors beaucoup moins honorable (avec notre regard du XXIème siècle)…

Lancer de renard -1719 - Wikimedia
Lancer de renard -1719 – Wikimédia

Oui, ce sont bien des gens s’amusant à lancer des renards (ou autres animaux de taille similaire) le plus haut possible. Remarquez d’ailleurs qu’il s’agit de couples mixtes… Pas franchement le sport où l’on aurait voulu commencer à aborder la question de l’égalité des sexes. 🙁

Cette pratique eut cours au sein des pays germanique et on connaît quelques exemples bien précis, comme le concours organisé par Auguste II de Pologne au tournant du XVIIIème siècle, à Dresde, durant lequel 647 renards, 533 lièvres, 34 blaireaux, 21 chats sauvages, 34 marcassins et trois loups ont été lancés et tués. Ce type de scène se trouve déjà représentée et en pleine ville, sous les auspices de Christian II de Saxe en 1609.

 



C’est une bonne fin pour une première partie, non ? Comme vous l’avez peut-être remarqué, j’ai évité de trop m’approcher de notre époque moderne, notamment parce qu’avec les changements majeurs dans la société et l’avènement de la presse et de la photographie je me retrouvais avec trop de choses à vous montrer et je ne voulais pas vous assommer !

En attendant la seconde partie, je suis toujours curieux de savoir ce que vous en avez pensé et preneur d’un partage auprès de vos connaissances si vous aussi vous pariez que le sujet peut plaire 😉

Merci d'avance !

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2 commentaires sur “Le sport – images à travers l’Histoire – 1/2

  1. très bon article, un vrai travail. Concernant l’égalité des sexes dans le sport, quel regard portez vous sur l’autorisation du voile dans le football feminin par exemple ? Aurions nous pris le chemin inverse de cette égalité ?

    1. Merci pour votre commentaire.

      Pour la question du voile dans le sport (difficilement séparable de la vie en société tout court) la question est bien trop complexe pour être résumée à un pour ou contre défendable comme une évidence. Aujourd’hui, je suis plutôt partisan de l’autorisation très encadrée (ce qui est prônée par les instances internationales il me semble), afin de permettre à ce que plus de femmes puissent faire du sport et soit sensibilisée aux valeurs « sportives ». La question religieuse, que ce soit suprématie d’une d’entre-elle, la tolérance interreligieuse ou leurs disparitions me semble bien plus lointaine à atteindre qu’une acceptation générale de l’égalité-homme femme dans la vie quotidienne. La foi est hermétique au raisonnement par essence. Vouloir être considérée comme aussi humaine (droits et devoir) que frère, père ou fils me parait plus concret.

      Dans un monde idéal à mes yeux oui, tous les signes religieux/politique devraient être autorisés ou totalement bannis d’un terrain de sport. Dans la pratique c’est aussi irréaliste que de demander à un journaliste d’être 100% neutre puisque nous vivons dans un monde qui nous influence, même si l’on tente de limiter ses effets. Une coupe de cheveux, la sexualité d’un joueur, ses positions politiques… tout peut être prétexte à exclure selon le prisme à travers lequel nous regardons les choses.

      Voilà, pour tenter de répondre à la colle. Mon opinion va peut-être évoluer, mais je sais au moins que je refuserai toujours de dire qu’il existe une unique solution simple et parfaite.

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