Enfer et damnation – images et mythes

L’actualité fait que l’on parle de plus en plus de religion, essayant parfois de distinguer ce qui est « modéré » ou « extrême » (comprendre « acceptable » ou non). Il faut cependant garder en tête qu’une notion a marqué tous les esprits durant des siècles voire des millénaires : l’Enfer. Athée ou croyant, il est presque impossible de ne pas avoir été confronté à des représentations de ce monde terrible… Enfer et damnation ! Voilà le thème de ce nouveau décorticage.

Seuls quelques élus savent où se trouve cette porte de l'enfer... en plein Nantes !
Une porte de l’enfer…
Avertissement : cet article n'a pas vocation à dresser une histoire exhaustive de la notion d'enfer mais plutôt de présenter quelques grands traits de ses représentations au fil du temps pour mieux les comprendre et s'en libérer si besoin.

Enfer(s) – que mettre derrière ce mot ?

Que ce soit en fonction des époques ou des religions, si l’idée d’un lieu (concret ou juste conceptuel) de souffrances après la mort est récurrente, les formes qu’il prend sont multiples.

La forme la plus connue de nos sociétés occidentales est généralement l’enfer chrétien, surtout catholique et, pour être honnête avec un imaginaire commun très médiéval.

Résumons-en les grandes lignes : diable cornu à queue fourchue, démons sautillants autour de feux brûlants dans tous les coins et torturant des âmes  hurlant de douleurs…

De nombreuses nuances existent, ne serait-ce que dans l’utilisation du pluriel ou non : les Enfers se référant depuis les Grecs plutôt au simple séjour des morts, contrairement à l’enfer au singulier qui lui est, pour les chrétiens, un espace uniquement punitif.

Aux origines de l’enfer

Plusieurs traditions et évènements historiques se sont mêlés pour aboutir la représentation médiévale. Il faut chercher en particulier côté Mésopotamie, traditions judaïques, mythologies grecque et égyptienne …

Reprenons ensemble quelques-uns de ces éléments sur le ton faussement candide de l’enfant à qui l’on poserait la question suivante : « qu’est-ce que l’enfer ? »

L’enfer, c’est là où vont les gens méchants !

Paf ! Plein de notions d’un coup… il y a des gentils et des méchants et c’est un lieu uniquement pour les méchants (ce qui sous-entend l’existence d’un lieu pour les gentils).

L’idée principale que l’on va retenir ici c’est la notion de jugement du défunt, alias psychostasie. Bonne chance à vous pour  le recaser dans une conversation…

Origines possibles de l’idée :

  • La mythologie égyptienne, avec la pesée de l’âme devant Osiris ;
Pesée de l'âme - plume de Maat
Pesée de l’âme – plume de Maat, la déesse la justice, comme référence – Wikimedia – collection British Museum

C’est avec l’avènement de l’art roman et les débuts du gothique que les représentations de jugements des morts commencent à se croiser de plus en plus dans l’art chrétien.

Dans les deux exemples ci-dessus vous aurez remarqué j’espère que le diable s’acharne pour essayer de faire pencher la balance de son côté à l’aide de ses petits diablotins… Il ne suffit donc pas d’avoir la moyenne à l’examen, il est nécessaire d’être un très bon élément pour réussir 😉

Ces représentations sont encore visibles sur de nombreuses façades d’églises. Elles allaient de pair avec une théologie globalement davantage axée sur la peur de l’enfer et du châtiment que sur l’idée que « Dieu est amour » comme le prêche le pape actuel.

L’enfer, c’est sous terre !

Paradis en haut et enfer en bas, c’est pourtant simple, non ? Pas tant que ça en fait.

Origines possibles de l’idée :

  • La tradition juive avec le Sheol, parfois écrit Shéol, sorte d’espace souterrain hors de tout où iraient tous les morts. Une tombe commune dans laquelle, selon les premières évocations, le néant règne ;
  • La mythologie grecque, avec ses Enfers souterrains auxquels toute grotte ou faille un peu profonde était réputée mener. Ces endroits étaient d’ailleurs souvent censés être gardés par des monstres fabuleux (coucou cerbère) à qui l’on attribuait les bruits étranges qui en émanaient… Peut-être est-ce un peu de tout ça qui a abouti à la figure de la « bouche de l’enfer » ?

Il me paraît important de souligner que des influences plus diffuses sont probablement à l’origine de toutes ces croyances et en tout cas doivent être prises en compte pour comprendre la mise en place des représentations collectives. C’est notamment le cas de la forte propension (pas exclusive mais significative) de l’humain à enterrer ses morts et donc à associer le sous-sol à la mort.

L’enfer, c’est chaud !

L’enfer sans feu, c’est comme un ange sans aile…

Origines possibles de l’idée :

  • Un mélange entre tradition juive et histoire mésopotamienne autour de la Géhenne. Ce qui était à la base une vallée où se seraient pratiqués des cultes sanglants à base de sacrifices d’enfants dans des brasiers (voir : Moloch, dieu ou roi ?) est devenu une sorte de déchetterie brûlant en permanence.  De bons éléments pour assimiler ce lieu à un enfer vous ne trouvez pas ?

Quant à savoir comment la marmite est venue se mettre dans l’équation, je prends toutes les informations !

L’enfer, c’est là où il y a le Diable !

Satan, Lucifer, Belzébuth, Iblis ou le plus générique « Diable »… tant de noms pour désigner un grand méchant. Ah mince, c’est encore compliqué !

Origines possibles de l’idée :

  • La tradition judaïque est celle qui a construit cette figure mais avec bien plus de nuances que ce à quoi on l’a réduite. On la trouve tout autant comme ange déchu à cause de son orgueil, démon intrinsèquement mauvais que comme figure allégorique du mal ;
  • Il ne faut cependant pas négliger les influences extérieures, le nom de Belzébuth ayant perduré jusqu’à nos jours en est un exemple. Il s’agit probablement d’une assimilation à une image négative de la figure principale d’un culte considéré comme païen . Le monothéisme se fixant peu à peu (anges/démons et autres djinns permettant sûrement une transition plus en douceur depuis le polythéisme), le Diable est devenu un bouc-émissaire auquel est assimilé tout ce qui était différent ou qui devait être anéanti.
Jugement Dernier - Enfer - Buffalmacco 1336-1341 Pise
Diable – Jugement Dernier – Enfer – Buffalmacco 1336-1341- Pise

En conclusion

J’ai voulu dire « l’enfer c’est les autres ». Mais « l’enfer c’est les autres » a été toujours mal compris. On a cru que je voulais dire par là que nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés, que c’était toujours des rapports infernaux. Or, c’est tout autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l’autre ne peut être que l’enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons des connaissances que les autres ont déjà sur nous, nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donné, de nous juger.

Jean-Paul Sartre – commentaire à l’occasion d’une représentation de Huis clos disponible sur philo5.com

Pour aller plus loin :

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3 commentaires sur “Enfer et damnation – images et mythes

  1. Intéressante cette réflexion sur les origines de l’enfer.
    Pourtant il semble qu’aujourd’hui il est encore très (ou trop) difficile de se détacher de cette morale « judéo-chrétienne » qui prône le mal et le bien.
    Aujourd’hui qu’est-ce que cela signifie? Dans l’ère de l’individualisme, de pensées humanistes ou capitalistes, bref des pensées aussi diverses soit-elle, je constate avec une sorte de désespoir que cette morale guide toujours mes actions, et m’empêche de célébrer ma liberté.
    Alors voici comment je l’interprète:L’enfer c’est les autres et nous-même!

  2. J’ai envie de dire que cette idée de récompense ou punition après la mort est ancrée depuis tellement longtemps dans nos civilisations sous une forme ou une autre que c’est normal qu’elle persiste encore…

    C’est peut-être en partie pour le meilleur si cela pousse des gens à faire le bien autour d’eux. Dommage, que cela ne soit pas toujours le cas.

    Pour le côté « m’empêche de célébrer ta liberté », je suis assez dubitatif par contre. Si tu parles de la pression extérieure ok mais sinon je crois préférer un monde ou il existe un minimum de boussole morale plutôt que pas du tout. C’est simple, sans cela on se serait annihilé depuis bien longtemps ou resterait au stade des rapports de force brute.

    La situation est loin d’être idéale mais si l’on ne croit pas à une forme de vie après la mort liée à nos actions dans ce monde, outre l’intérêt personnel et les mécanismes issue de l’évolution, qu’est-ce qui peut guider efficacement nos actions vers un bien qui profite à tous ? Vaste question…

    Enfin, tout ça en supposant que l’on ne souhaite pas faire table rase de l’humanité :p

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